Pour DGR.
Les bougies ont presque brûlé. L’atelier est silencieux, muet, mais reflète mal les idées tourbillonnantes de l’homme qui s’agite sans un bruit. Seule l’oreille la plus fine pourrait entendre le tracé du pinceau sur la toile. Des croquis sont jetés sur le sol et, déjà, le peintre ne s’en préoccupe plus. Son œuvre est déjà créée dans son esprit et sur la toile les couleurs s’ajoutent. Avec impatience, il ranime les flammes éteintes, et revient à la toile inachevée.
Il ignore l’heure, il ne l’a pas regardée. Une façon comme une autre – la sienne – de conjurer l’indispensable fléau du temps. Le chatoiement du tissu, la bouche et les ongles, l’achèvement n’est plus très loin !
Et le peintre replonge dans la transe qu’il n’a pas tout à fait quittée. La fièvre l’emporte et le mènera jusqu’au bout où, épuisé, la dernière touche aura été apportée.
Enfin, il recule. Sa main tremble et il pose finalement son pinceau près du chevalet, sur la palette aux couleurs désordonnées. L’extase disparaît petit à petit. Soudainement, ses épaules sont agitées d’un frisson : il avait oublié qu’il faisait froid. Un moment, il observe le tableau. Les traits du modèle, sa vision rendue à la toile et aux couleurs.
Et il ne se doute pas que la femme assise au milieu des chandeliers, la main appuyée sur les pages d’un cahier, a fait une œuvre d’encre cependant qu’il fixait son image. Elle a dessiné par des phrases le portrait du peintre.
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