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Posts Tagged ‘john everett millais’

Well now as I bow out
At the funeral of my youth
It was so lonely
It was so lovely
It was so lovely
Eugene McGuinness.

I have been there before
But when or how I cannot tell
Dante Gabriel Rossetti.

Contrairement à ce que mes derniers posts sur ce blog – et même sur facebook – pourraient laisser croire, mon admiration pour le peintre Dante Gabriel Rossetti ne date pas d’hier.
Je serais incapable de me souvenir de la première fois que j’ai lu son nom, mais cela doit remonter à plus de cinq ans. Minimum.

Avant lui, j’avais déjà un attachement particulier aux tableaux préraphaélites, depuis l’enfance. La question qui se pose est : comment une petite fille peut-elle avoir eu connaissance de ce mouvement dont on ne commence à entendre parler qu’à l’université, et encore – si, comme moi, on a choisi une voie purement littéraire ?
La réponse est : de façon très bête.
Quand j’étais enfant, je collectionnais les images de sirènes. Un jour, je suis tombée sur le tableau de John William Waterhouse, A Mermaid. Tout part de là : j’ai cherché d’autres toiles, le bonhomme était préraphaélite, etc. Enchaînement. Effect and cause comme dirait un certain Mr. J. White.

Je crois le moment où j’ai réellement commencé à m’intéresser à la vie de Rossetti et à son œuvre fut au lycée. Pour les TPE, j’avais choisi avec une amie de travailler sur le mouvement préraphaélite. Dante Gabriel étant l’un des – sinon le – fondateurs du mouvement, dresser une petite biographie de lui était un passage obligé.

L’anecdote que je me délectais à raconter à l’époque – c’est toujours le cas – était celle du livre de poèmes de Rossetti. Il l’avait mis dans le cercueil de sa femme après que celle-ci soit tragiquement décédée d’une dose fatale de laudanum. Quelques années plus tard, Rossetti est venu exhumer le cercueil pour y reprendre son recueil, qu’il a publié. La légende raconte que le corps d’Elizabeth Siddal était intact, si l’on excepte sa chevelure rousse qui avait poussé post-mortem.

J’ai eu une bonne note à ce TPE, mais là n’est pas la question. Par la suite, j’ai appris qu’Oscar Wilde, mon Maître et auteur favori de tous les temps, avait lui-même une grande admiration pour Rossetti, ce qui n’a fait qu’augmenter mon intérêt.

En revanche, j’ai mis du temps à apprécier pleinement ses toiles. L’art de Dante Gabriel peut sembler moins facile d’accès que celui d’un Waterhouse ou d’un Millais.
Peut-être parce qu’il faut une certaine maturité ? Les toiles de Rossetti ne reposent pas sur la technique, pour commencer. Même si les préraphaélites s’attachaient à montrer le réalisme de leurs sujets, aussi fantastiques soient-ils, l’un des défauts de Rossetti est qu’il n’a pas de technique en peinture. (Et je n’invente rien. Je professais déjà cet avis avant qu’il ne me soit confirmé par une biographie trouvée récemment.)

Connaissant le caractère impatient et fougueux du personnage, cela n’a rien d’étonnant. Il ne supportait pas les cours qu’il suivait à l’Académie Royale de peinture. Dante Gabriel fait partie de ces individus qui s’investissent à corps perdu dans ce qu’ils aiment, mais ne peuvent travailler sur des sujets qu’ils détestent. Ce n’est pas forcément une qualité, certes, mais fonctionnant de la même façon, je peux le comprendre.
L’autre raison est que Rossetti ne se destinait pas du tout à être peintre. Son truc, c’était les lettres, la poésie, la lecture. Enfant, il dévorait tout ce qui lui tombait sous la main, avec des préférences très marquées pour Shakespeare (vers sept ans, il lut sa première pièce du maître anglais, me battant à plate couture : pour moi, ce fut à dix…) et les récits fantastiques (oui, j’ai poussé une exclamation quand j’ai lu qu’il avait adoré Le Moine de Lewis, sur lequel je viens de terminer un mini-mémoire universitaire).
Bref, Rossetti est avant tout un poète et ce n’est qu’une fois jeune homme qu’il trouva sa vocation dans la peinture. Sans jamais abandonner la poésie, toutefois. Notre ami était naturellement un artiste complet. (Et un collectionneur, pionnier de l’esthétisme proféré par Wilde et consorts ! Vous avez lu la description de sa maison de Cheyne Walk ? Elle vaut le détour.)

Donc, disais-je, je n’ai apprécié pleinement sa peinture que récemment. Outre les défauts évoqués et une passion des symboles, Rossetti possède un grand sens de la couleur et surtout, une intensité hors du commun. Ses toiles frappent.
J’ai encore beaucoup de mal à décrire l’impression qu’elle me font. Mais ce que je sais, c’est qu’elles me touchent comme aucune autre. L’intensité dégagée par ses personnages est une des clés. Leurs gestes ou leurs regards ne sont pas anodins.

      

Je crois aussi – et je m’en rends compte en l’écrivant – que Dante Gabriel mettait toute sa passion dans son art. Qu’il s’agisse de sa peinture ou de sa poésie. Sister Helen est un modèle du genre : dans ce poème, les sentiments de l’héroïne y sont dépeints d’une telle façon qu’il est impossible de ne pas être touché. (L’histoire d’une vengeance. Une femme jette un sort à son amant qui l’a trahie : après trois jours d’agonie, il est condamné à l’Enfer, et elle aussi. L’héroïne passe de la haine et du triomphe à la pitié, l’amour et le remords avec une puissance magnifique.)

Évidemment, la vie de Rossetti fut agitée, à l’image de son esprit sans arrêt en mouvement et inquiet. Dans tout ce que j’ai pu lire sur lui, il est décrit comme charismatique, passionné, boute-en-train. Mais aussi égoïste, irresponsable et un brin narcissique. L’un ne va pas sans l’autre, faut-il croire… Il aima son épouse et ses modèles – ce qui, on s’en doute, ne fut pas sans causer certains problèmes : sa femme se suicida. Sa vie fut entièrement guidée par ses passions – et rien d’autre.

Ce sont certaines des raisons de mon admiration à son égard.

Pourquoi cette inspiration soudaine, les textes et les phrases griffonnées à son sujet ? Oh, eh bien j’ai récemment pu voir la série que je poursuivais depuis longtemps : Desperate Romantics. Six épisodes sur la Confrérie Préraphaélite et le tour est joué. Les acteurs sont tous excellents et, malgré plusieurs infidélités à la vie des protagonistes – condenser en quelques mois des évènements qui se sont étalés sur des années – c’est une série très agréable à regarder, que l’on soit passionné par ces peintres ou pas. (Faut-il rappeler que la liaison de Dante Gabriel et Elizabeth a duré douze ans ?)

Quelques jours après avoir vu un épisode de Desperate Romantics, je me suis retrouvée à griffonner un texte. Il y était question d’un peintre et je me suis assez vite rendue compte de qui il s’agissait. (Ce texte est Le Portrait, disponible sur ce blog.) Dante Gabriel venait de s’introduire de façon inattendue dans mon esprit.

Je crois qu’il compte bien y rester.

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