Au moment où j’écris cet article, mon blog est pris en otage par le cours d’informatique où je me trouve. Le cours porte sur wordpress. Quitte à bloguer, c’est le moment où jamais de faire un article sur… Cymbeline de William Shakespeare. (Je n’y peux rien si les gifs sur Loki dans Thor 2 mettent un temps fou à arriver. Blame the fangirls.)
Ceci dit, il y a un point commun entre un sujet sur Loki et Cymbeline : Tom Hiddleston. J’entends parler de cette pièce depuis que je suis enfant – notamment grâce à Oscar Wilde et Louisa May Alcott -, mais c’est parce qu’Hiddleston l’a citée dans sa conférence pendant le Comic Con de San Diego que je me suis enfin décidée à la découvrir. Je m’étais promis de lire de nouvelles pièces de Maître Will avant fin 2013, mieux vaut tard que jamais.
Je parle rarement d’œuvres littéraires ici, et quand c’est le cas, j’ai tendance à m’attarder sur un personnage en particulier. N’ayez crainte, je ne vais pas déroger à la règle. Je voudrais simplement dire, avant de passer à notre héros du jour, que Cymbeline a été un véritable coup de foudre. C’est désormais une de mes pièces favorites de Shakespeare. Aucune d’entre elles, en tout cas, n’avait eu un effet aussi fort depuis Roméo et Juliette, la première que j’ai lue de lui à l’âge dix ans. (Depuis, je pensais Hamlet indétrônable. Malheur à moi !) Cymbeline contient tous les éléments chers à Shakespeare : travestissement, amours contrariées, comédie, tragédie, reine machiavélique, frères et sœurs séparés à la naissance (et de sang royal, histoire de faire bien les choses), fantômes et fées, héroïne passionnée et loin d’être cruche, affrontements royaux, sans oublier une bataille finale épique. Cinq actes. Et pourtant, le tout est fait avec une telle légèreté que la pièce se dévore. Sans une once d’ennui et sans – presque – aucune lourdeur.
Ajoutez à cela que la pièce était la préférée de John Keats, vous avez un gage de qualité non négligeable. La légende veut qu’il ait été en pleurs après avoir lu la scène du départ de Posthumus et qu’il ait mit un temps fou à reprendre sa lecture. Pauvre chouminou.
En parlant de la fameuse scène, elle illustre bien l’absence de lourdeurs de la pièce. Lorsque, au cours du premier acte, Posthumus est banni du royaume de Cymbeline et se sépare de sa femme Imogène, le lecteur n’a pas droit à des tirades interminables, ni aux « Mon Dieu ! » ou « Hélas ! » si chers à Racine. Leur dialogue sonne vrai.
Posthumus : Je resterai le plus fidèle des maris qui aient jamais donné leur parole. Ma résidence sera à Rome, chez un nommé Philario, un ami de mon père que je ne connais que par correspondance ; c’est là que vous m’écrirez, ma reine, et mes yeux boiront chacun de vos mots, leur encre fût-elle du fiel. (…) Si nous prolongions nos adieux pendant toute la durée de notre vie, l’horreur n’en serait que plus grande ! Adieu !
Imogène : Non, encore un instant : si vous partiez pour une brève promenade à cheval, un tel adieu serait déjà insuffisant. Tenez, mon amour : ce diamant appartenait à ma mère ; prenez-le, mon cœur, et conservez-le précieusement jusqu’à ce que vous en épousiez une autre, quand Imogène sera morte.
(Acte I, scène 2)
Sans transition, passons au personnage de Posthumus. Même si je remercie Tom Hiddleston de m’avoir finalement fait lire la pièce, je ne l’aurais pas choisi pour le rôle de Posthumus, qu’il a incarné au théâtre. Je le trouve trop jeune, trop gracile peut-être, même s’il a déjà prouvé l’étendue de son registre. (Du reste, une adaptation filmée de Cymbeline va bientôt sortir sur les écrans. Je ne sais pas ce que vous penserez du teaser, mais Posthumus ne me convainc pas là non plus. Et je voudrais dire aux producteurs qu’on peut adapter Shakespeare autrement qu’en réchauffant Baz Luhrmann. Voyez Joss Whedon et Beaucoup de bruit pour rien…)
Pendant ma lecture, j’ai plutôt imaginé quelqu’un de, disons, ce genre-là :
C’est un fait, Posthumus Léonatus est badass. Je suis tombée amoureuse de lui dès les premières phrases qui mentionnent ledit gentilhomme (la traduction est celle de Christine Lalou) :
« Sa fille, son unique héritière – qu’il destinait au fils unique de la veuve qu’il vient d’épouser – a donné sa main à un gentilhomme sans fortune, mais de grand mérite. Elle l’a épousé. Le voilà donc banni, et elle, en prison. » (Acte I, scène 1)
Ça vous pose un personnage direct. Un seigneur banni parce que marié à la fille du roi, rien que ça. Vient ensuite la fameuse scène des adieux qui fit pleurer notre ami John. Juste avant de quitter le royaume pour s’exiler à Rome, Posthumus croise Cloten (l’incarnation parfaite de la brute), un prince qui convoite Imogène et le provoque en duel.
Cloten : L’ai-je blessé ?
Second seigneur, à part : Pour ça, non ! Pas même entamé sa patience.
(Acte I, scène 3)
*soupir énamouré/admiratif de votre humble servante*
Dès le début, tout le monde sait que Posthumus restera fidèle à Imogène et inversement. Ce qui pousse un seigneur romain, Iachimo, à défier notre aristocrate exilé : si Imogène cède à ses avances, il rapportera le bracelet que Posthumus a offert à sa femme comme preuve de son infidélité. Iachimo est un méchant qui n’est pas loin d’égaler Iago dans Othello. Et, comme dans Othello, Posthumus va se croire trahi par son épouse. Un ressort que certains trouvent trop facile, ce qui peut se comprendre : Posthumus, comme Othello, ne met pas très longtemps à se laisser convaincre de l’infidélité d’Imogène. Rebondissement oblige.
Après ça, Posthumus, pris d’une fureur identique à celle de son cousin shakespearien, ordonnera à Pisanio (un serviteur resté auprès d’Imogène) de l’assassiner. Ce qui n’arrivera pas, bien entendu : Pisanio est aussi dévoué à notre héros qu’il l’est à la jeune femme, et la fera passer pour morte.
Ces évènements sont loin de faire perdre sa profondeur à Posthumus, qui devient plus intéressant et nuancé après les erreurs qu’il a commises. Évidemment, il regrette son crime une fois obtenue la (fausse) preuve de la mort d’Imogène.
On peut qualifier – anachroniquement – Posthumus de héros romantique, et on le dit “mélancolique” dès le début de la pièce. Cependant, après l’annonce de la mort de sa femme, Posthumus évolue. Il devient plus grave et désabusé. Il gagne vraiment en profondeur et c’est là qu’il devient intéressant. Il a vécu, culpabilise et devient plus lucide. Mourir ne l’effraie pas, bien au contraire :
Posthumus : Je te le garantis, mon ami, tout le monde a des yeux pour se diriger dans le pays où je vais, sauf ceux qui les ferment et refusent de s’en servir.
(Acte V, scène 4)
C’est dans un acte quasi-suicidaire que Posthumus se déguise et prend part à la bataille finale qui oppose les soldats de Cymbeline aux soldats romains. On le voit combattre aux côtés de Guidérius et Arviragus, (les deux princes héritiers de Cymbeline et frères d’Imogène, enlevés à leur naissance) et de Bélarius, père adoptif des deux princes et autre banni. Je vous laisse imaginer la team badass que ces quatre-là forment.
Je vous passe les détails qui restent. Forcément, à la fin de la pièce, une vaste scène de reconnaissance a lieu. Imogène, déguisée en garçon, retrouve enfin son mari et se révèle à lui. Posthumus l’étreint. Et il n’a pas besoin de trente-six phrases pour témoigner de son amour, mais d’une seule. Shakespeare connaît aussi la concision.
Posthumus : Oh ! ma chère âme ! reste ainsi suspendue comme un fruit à cette branche, jusqu’à ce que l’arbre meure.
(Acte V, scène 5)
J’ai terminé la pièce avec deux certitudes : la première, c’était que Posthumus était devenu mon personnage shakespearien préféré avec Macduff dans Macbeth. La seconde, c’est que j’allais mettre un peu de temps avant de pouvoir lire une autre pièce de Maître Will. Le temps de me remettre de Cymbeline.
Je vais achever là cet article sur Posthumus, sous peine de me perdre en déclarations enflammées – et bien entendu, j’ai une idée précise du genre d’acteur que j’aimerais voir le jouer. Je vois bien Luke Evans, par exemple. Bon âge, bonne morphologie, charisme adéquat. Sans rancune, Tom.
(Je finis cet article trois jours plus tard. Nous sommes le 14 Décembre et j’ai 23 ans aujourd’hui. Entamer son année avec un article sur Shakespeare, c’est un début idéal.)
Même en lisant ton très chouette article, je ne suis pas convaincue. Posthumus même s’il est intéressant, m’a gonflé avec son côté Othello et « tient ma femme est une salope il faut la tuer ». C’est réellement trop facile.
Le marchand de Venise ça c’est ma préférée.
Ajoutée ! Je l’ai dit, je reconnais que c’est un ressort facile, mais il en faut un. O:) Will n’avait pas 36 options…
Ben si il aurait pu faire un héros intelligent pour changer ; comme Thornton dans Nord et Sud qui ne décide pas de traiter Margaret de salope quand il croit qu’elle a un soupirant.
Différente époque, différent contexte, théâtre baroque. Et les héros de Shakespeare sont loin d’être idiots, en général. Posthumus obéit simplement à un ressort narratif. A part ça, tous ses actes me semblent répondre à ceux d’un héros intelligent.
oh Richard Armitage!!!
[…] un samedi alors que j’avais clairement d’autres choses de prévu, Adeline et Matilda se sont mises à se crêper intelligemment le chignon sur un statut FB à […]