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twelve dancing princesses

P.J. Lynch – Twelve Dancing Princesses

Avant toute chose, je tiens à préciser que je suis pour la liberté de mœurs, celle d’aimer (et potentiellement d’épouser) qui on veut et tout ce qui s’ensuit. Je n’ai aucun problème avec, au hasard, la bisexualité, le BDSM et le mariage gay. Chacun choisit la sexualité qui lui plaît : c’est un choix personnel, ça concerne l’individu et uniquement lui.

En ce moment, il est de bon ton (c’est plutôt une bonne chose) de prôner la tolérance et l’ouverture d’esprit. Et pourtant.

Passée la vingtaine ou, soyons généreuse, les 22 ans, une fille n’est jamais sortie avec personne, qui est toujours vierge, est considérée comme une anomalie.

POURQUOI?

Au XXIème siècle, on a de plus en plus tendance à dissocier le sentiment amoureux de l’acte sexuel. Ou du simple fait de sortir avec quelqu’un.

Mais justement : si de nos jours on prône la liberté de choix, pourquoi ne respecterait-on pas aussi la liberté de celles qui ont choisi d’attendre ? Aucune jeune femme concernée ne devrait avoir à justifier sa virginité.

Il y a bien un motif, mais il est souvent incompris, parfois moqué : pour certaines, le sentiment amoureux et le désir sont indissociables. Ce sont les deux faces d’une même médaille. Et là où les autres disent : « Tu me plais donc je te désire », les filles qui ont choisi d’attendre diront : « Je te désire parce que je t’aime ». Le désir est une conséquence directe du sentiment amoureux. Parce qu’avant de tomber amoureuse d’un corps, on tombe amoureuse d’une personne, d’une intelligence, d’une âme en somme.

clueless

En 2004, The White Stripes ont sorti Elephant. Le thème principal de l’album était the death of the sweetheart.  Dans le livret, Jack White publiait un manifeste de deux pages sur ce thème. Morceau choisi :

This album is dedicated to, and is for, and about the death of the sweetheart. In a social plane, impossible to exist, and in memories, past defeating present. We mourn the sweetheart’s loss in a disgusting world of opportunistic, lottery ticket holders caring about nothing that is long term, only the cheap thrill, the kick, the for the moment pleasure, the easy way out, the bragging rights and trophy holding. […]

Burn baby burn, take the trash to the living room, laugh at the sweetheart, you and your friend can kill it if television’s aim is bad, break it, hard or die. Hard or die. It keeps going, you’re not wrong, don’t worry about it, what matters? You’re having fun right? Break the rules rebel, break them hard, help yourself.

L’idée, c’est qu’autrefois, les gens prenaient le temps de penser leurs relations, de les construire : les hommes avaient leur sweetheart, les filles leur gentleman. Tu emmènes ta petite amie au cinéma – et seulement au cinéma – le premier soir. Le rapport à l’autre se construit dans la durée, par opposition à ce qui se fait maintenant où, notamment grâce à/à cause d’internet, les gens peuvent avoir ce qu’ils veulent tout de suite. Tout est dans l’immédiateté. Tu recherches une personne dont les goûts soient similaires aux tiens ? Pas de problème, Tinder te fait la moitié du boulot. Plus besoin de sortir de chez soi pour chercher the right one. Ni de laisser le hasard faire les choses.

Si une jeune femme préfère attendre d’être amoureuse d’un homme pour sortir avec lui, ou pire, si elle ne couche pas dès le premier soir et préfère attendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines, on a de plus en plus tendance à la considérer comme un freak. Ou à se demander si elle n’agit pas pour se conformer à des motifs religieux. Grossière erreur. Par exemple, il existe des filles catholiques ultra-libérées comme il existe des agnostiques toujours vierges à 27 ans. Et, chose plus importante : être vierge n’empêche absolument pas une femme d’avoir une sexualité. La majorité des femmes ont des besoins et, si l’amour de leur vie se fait attendre, il existe un nombre incalculable de moyens de se faire plaisir toute seule. (Comme le dirait tante Yvonne : bien connaître son corps, c’est important.)

Finalement, vouloir attendre ou non de tomber amoureuse pour perdre sa virginité, c’est avant tout une question de respect de soi. De ce côté là, chaque femme devrait être libre de disposer de son corps comme elle l’entend sans se soucier du qu’en dira-t-on. Être la dernière de son groupe d’ami(e)s à « ne pas l’avoir fait » peut être une vraie plaie. Surtout quand on se retrouve au milieu de copines bienveillantes voulant à tout prix vous pousser dans les bras du premier venu qui, croient-elles, pourrait vous convenir. Personne ne décidera à votre place de la personne que vous aimerez. Diantre, sauf en cas de coup de foudre, l’amour prend du temps à naître, et le Prince Charmant ne court pas les rues !

christina-rossetti

Christina Rossetti. Elle a l’air un peu austère comme ça mais elle a son côté badass, je vous assure.

Ces derniers temps, je pense beaucoup à Christina Rossetti, sœur de l’illustre (et adoré de votre écrivaillon) Dante Gabriel. Elle a vécu au milieu d’artistes libres (voire très libérés, ne fais pas l’innocent Gabriel !), de leurs amantes et/ou épouses au caractère bien trempé et elle ne s’est jamais mariée. Elle a pourtant eu trois propositions de mariage : comme elle savait qu’elle ne pourrait jamais s’entendre avec aucun de ses trois prétendants sur le long terme, elles les a toutes refusées. Je ne souhaite à personne le célibat éternel – sauf si c’est un choix de vie -, mais chapeau Christina pour ne pas avoir cédé à l’effet de groupe. Ça ne l’a d’ailleurs pas empêchée de devenir une poétesse reconnue. Dans le même style, Elizabeth Barrett Browning a attendu environ 40 ans avant de rencontrer l’amour de sa vie, le poète Robert Browning, qu’elle a fini par épouser. Ils se sont mariés et enfuis en Italie des paillettes plein les yeux après avoir échangé un nombre incalculable de lettres. (J’aime bien cette histoire : ou comment l’amour naît d’un respect mutuel entre deux artistes intellectuels.)

J’ai hésité avant de publier cet article sur mon blog, parce que je préfère me montrer engagée sur d’autres sujets : l’art, la création, la diffusion du savoir. Si vous me suivez, vous le savez déjà. Mais là, les enfants, la coupe est pleine.

wednesday addams

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